Intégrée dans le monde de la photographie et de la mode à 18 ans pour gagner sa vie, Negzzia est une jeune femme belle et déterminée avec une soif de vie. Elle apprend vite le métier, passe du statut d’assistante à celui de photographe avant de switcher de l’autre coté de l’objectif pour poser à son tour. A 22 ans, elle devient mannequin et est introduit dans le milieu underground de la mode. Elle commence alors à être médiatisée : le début de la route vers la notoriété.
Totalement à l’aise avec son image, c’est lors d’un shooting photo que son univers bascule. Le photographe tente de la violer. Sans se démonter Negzzia s’enfuit et le dénonce sur les réseaux sociaux. S’avérant être un indic, celui-ci se venge et la dénonce aux autorités, jugeant ses photos dénudées immorales. Elle se met la « justice » à dos et est menacée de coups de fouet, de séjour en prison. Direction la Turquie, qu’elle espère plus accueillante afin de protéger sa vie, et ses rêves.
Avec une réputation qui gagne en renommée, elle attise la curiosité par son esprit frondeur et son histoire. Pourtant, c’est suite à une nouvelle trahison, qu’elle décide de s’envoler vers Paris en octobre 2018 afin de réaliser son rêve. Telle une boule à neige qu’on cesse de secouer, les paillettes retombent à nouveau lors de son arrivée dans la capitale de la mode. Sans papiers, ni famille, maitrisant mal la langue du pays, Negzzia est seulement armée de sa détermination. Les quelques billets économisés brûlent assez vite. Le top se retrouve alors à devoir dormir dans la rue, finit SDF, lutte pour échapper aux individus malintentionnés qui la kidnappent et tentent de la prostituer : la face obscure de la ville lumière.

« Dis adieu à ton corps » est son autobiographie, où elle relate son parcours, les mésaventures dressées sur son chemin, ses shootings sauvages à Téhéran et avec quel courage elle les a affrontées, le menton levé. Lorsqu’elle pose durant le shooting photo, Negzzia affiche un regard fier, à la fois brûlant et doux : celui d’une battante. Si elle sourit aujourd’hui, c’est parce qu’elle à obtenu ses papiers français pour travailler en France. En effet, ce mardi restera gravée dans sa mémoire. Celui où elle est reçue par Marlène Schiappa, ministre déléguée à la citoyenneté et militante féministe qui lui délivre son titre de séjour, obtenue non sans difficultés, avec l’aide du ministre de l’Intérieur et du Président Emmanuel Macron. Résilience est l’adjectif qui qualifie cette jeune femme, au passif cavaleur, qui ne cesse de lutter pour affirmer ses droits. Si actuellement elle vit dans un « petit chez-soi » en attendant un logement correct, Negzzia affirme qu’elle ne souhaite pas demander d’aide mais désire travailler ». Sans agent, ni agence, elle fait ses armes et gravit les échelons la menant à son but, préservant ses valeurs.
Negzzia, pour comprendre le contexte d’origine dans lequel tu as grandi: à l’époque tes parents sont musulmans mais pratiquants ? Comment sont ils avec toi ? Religieux ou souples ?
La religion n’est pas un choix. La religion dépend de l’endroit où vous êtes né et ce n’est pas à vous de choisir le pays dans lequel vous naîtrez. C’est donc une « blague » pour moi. Toutes les religions disent la même chose, et finalement je ne comprends pas pourquoi les gens se disputent le nom des religions. Je n’ai pas grandi dans une famille religieuse. Le problème était le gouvernement, pas la religion. Le gouvernement iranien terrorise le peuple avec des lois étranges et dures et un abus excessif du nom de l’islam. Le peuple iranien a peur du gouvernement iranien, pas de la religion ..
Tu parais forte et pourtant sans soutien familial en France : comment réussis tu à tenir ? D’où te viens cette détermination ?
Parfois, des choses se produisent dans la vie auxquelles nous ne nous attendons pas. Dans ce cas, nous sommes divisés en deux catégories. Le premier groupe est celui de victimes qui se laissent submerger par les mauvaises conditions et les fortes pressions, qui perd tout espoir. Le deuxième groupe est composé de personnes qui n’abandonnent pas malgré des conditions difficiles et, bien qu’elles soient dans l’obscurité totale, elles fixent la lumière et l’atteindront. Quand j’ai réalisé que je n’avais aucun moyen de revenir en arrière, j’ai décidé de fixer le bout du tunnel. Sans argent, sans famille, sans connaître la langue, je dois trouver mon chemin toute seule. Je ne savais pas quoi faire, tout ce que je savais, c’était que je n’étais pas une perdante. En cela, j’ai réalisé qu’une femme est plus forte qu’elle ne le pense, vous n’avez pas besoin de tout savoir à l’avance. Faites le premier pas pour changer votre vie.
Souvent trahie, réussis tu à avoir confiance en la nature humaine encore aujourd’hui ? T’es-tu construit un cercle de confiance à Paris ?
Je fais très vite confiance aux gens. En dépit de toutes les mauvaises choses qui me sont arrivées. Malgré les amis qui m’ont poignardés dans le dos, je donne toujours tout mon amour à ceux qui m’entourent. Les mauvaises personnes sont partout. Les gens qui profitent de votre solitude, de votre confiance, ont seulement l’intention d’abuser de vous. Mais ce n’est pas une raison pour nier l’existence de bonnes personnes. Ils existent. Aussi petits soient-ils. Je crois au karma. Si vous avez bon cœur, vous gagnez toujours. Peu importe d’où vous partez, à la fin votre bon cœur gagnera et vous serez sur une meilleure voie.
Pourquoi tant tenir à vivre à Paris ?
Je n’insiste sur rien dans ce monde. Je bouge avec le vent et le vent me guide au bon endroit. J’adore Paris et la France, mais si la France ne m’aime pas, je partirai définitivement. Nous vivons une fois (ou du moins ne nous souvenons que de cette vie), nous méritons donc la paix et le bonheur dans cette vie. Celle-ci m’a apprit que partout où nos cœurs sont heureux, là est notre maison.

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Dis Adieu à ton corps, Negzzia, éd. Cherche Midi disponible ici.