Faisons à présent la connaissance d’une femme incroyable. Elle parle trois langues, elle a vécu et adopté la culture locale de trois pays totalement différents. Toute sa vie, elle s’est engagée contre le racisme, les discriminations sexuelles et sexistes. Elle a réussi en tant qu’avocate, consultante et brille désormais sur la scène politique israélienne. Si nous devions illustrer ce qu’est une femme GOLDA, il me semble que Fleur Hassan l’illustre pas mal.
Découvrons ses doutes, ses secrets pour rester motivée quels que soient les obstacles, les injustices et les défaites.
Qui êtes-vous Fleur Hassan-Nahum et quel est votre métier ?
J’ai grandi à Gibraltar et j’ai immigré en Israël il y a 20 ans. J’ai 4 enfants. J’ai d’abord travaillé comme avocate et aujourd’hui je suis adjointe au maire de Jérusalem, je me concentre principalement sur les relations étrangères, le développement économique et le tourisme. Je suis également co-fondatrice du UAE-Israel Business Council et du Gulf Israel Women’s Forum.
Quelle est la meilleure façon de vous décrire selon vous ?
Eh bien, je suppose que l’on pourrait dire que je suis une personne dévouée, travailleuse et empathique. Je suis aussi une féministe et sioniste convaincue.
Dans la vie, j’embrasse la diversité et mets l’accent sur le leadership féminin. Je crois qu’il faut être fier de soi, peu importe vos réussites et vos échecs.
Je chéris également mon héritage juif séfarade qui nourrit mon identité depuis ma naissance. En revanche, cet héritage n’a rien de classique puisque nous n’étions que des filles à la maison, donc nous ne pouvions pas souffrir d’être minoritaires, du moins « dominées » par une volonté masculine. Gibraltar est également un endroit unique où de nombreuses communautés et religions différentes vivent en harmonie, j’ai donc la chance de savoir à quoi ressemble la vraie coexistence, ce qui m’a certainement construite et inspirée pour toujours.
Pouvez-vous résumer votre carrière en 3 moments clés ?
Le premier emploi que j’ai obtenu en Israël était dans un grand cabinet d’avocats. C’était un moment clé dans mon processus d’immigration car j’ai réussi à obtenir ce poste tout en vivant à Londres, ce qui était une opportunité exceptionnelle et le début d’un long voyage…
Le deuxième moment clé est certainement lorsque j’ai été recrutée pour devenir directeur exécutif d’une petite ONG, Tikvah. Le fait que cette organisation soit venue me chercher moi et personne d’autre m’a donné beaucoup de confiance.
Enfin la troisième grande étape fut après une période très difficile en politique lorsque le candidat à la mairie auprès de qui j’avais fait campagne a perdu. Je devais choisir qui je soutiendrais ensuite, et tandis que mon entourage me poussait à soutenir un candidat en particulier, j’ai choisi son rival, ce qui m’a valu beaucoup de reproches. Mais j’ai bien fait car il a gagné et je suis devenue adjointe au maire pour les relations étrangères, le développement économique et le tourisme. La leçon est qu’il faut se fier à son instinct.
Qu’est-ce qui a déclenché votre incroyable motivation ? Une personne inspirante ? Un événement précis de votre vie ? Racontez-nous l’histoire derrière.
Je suis née dans une famille très impliquée et concernée par la politique. Mon père était Ministre à Gibraltar, et voir la façon dont il se comportait, si dévoué aux gens, à quel point il était apprécié, m’a fait réaliser que je voulais aider à mon tour. Je rêvais de défendre Israël, simplement, je ne savais pas comment… Et puis à mesure que je constatais la façon dont ce pays était régulièrement dépeint à travers le monde pendant la seconde intifada notamment, la volonté de m’exprimer et de lutter pour sa cause s’est imposée à moi pour ne plus me lâcher.
Vous êtes né, avez étudié et avez vécu dans trois pays différents, comment pouvez-vous vous sentir complètement partie du peuple israélien maintenant ?
J’avais 14 ans quand je suis arrivée pour la première fois en Israël pour un mariage dans ma famille. Avant ce voyage, Israël était pour moi une idée presque magique, nourrie de ce qu’on m’avait appris. J’étais fascinée par le fait qu’après des milliers d’années de persécution, de marginalisation, d’isolement, de génocides, le peuple juif ait enfin droit à l’autodétermination. Mon statut d’immigrée me permet ce regard un peu en dehors, un peu de côté qui nourrit l’esprit critique. Je suis profondément juive, sioniste et séfarade, mais je suis aussi issue de la diversité. Quelque part, pour moi c’est ça être israélien, être une grande famille composée d’individus très différents.
Le cheminement vers ce poste à la mairie a sûrement été difficile… Comment avez-vous fait face aux préjugés envers les femmes et avez-vous su saisir l’occasion ?
La principale difficulté pour les femmes en politique est que nous sommes souvent sous-estimées. Nous devons travailler beaucoup plus dur pour gagner le respect de tous. Cependant, je pense que nous avons aussi un certain avantage en politique. Beaucoup de femmes ont un QE (intelligence émotionnelle) plus élevé que les hommes en général, et je crois vraiment que le QE est la clé pour être un leader inclusif, et donc plus efficace. Par exemple, lorsque j’étais à la tête du comité de préservation, je devais jongler entre conserver le caractère historique et identitaire de la ville, son intégrité tout en résolvant et prévoyant ses besoins actuels et futurs, ce qui n’allait pas toujours de pair. Et bien, je n’ai jamais pris de décision qui n’ait pas été adoptée par consensus. Chaque fois, nous nous asseyions ensemble, et même s’il fallait deux heures avant que tout le monde se mette d’accord sur une solution, je résistais. Et les femmes que je connais, celles avec lesquelles j’ai travaillé, prennent toujours les décisions ainsi. Nous aimons créer un consensus.
Pensez-vous qu’Israël est un pays raciste ? Comment expliquez-vous le manque de représentation des Israéliens d’origine maghrébine ?
Si je suis nommée à la tête de l’Agence juive, je serai la première séfarade et la première femme à occuper ce poste en 92 ans. Je ne dirais pas qu’il y a du racisme. Les gens ont des préjugés dont ils ne sont même pas conscients la plupart du temps. C’est pourquoi nous devons lutter encore plus pour une représentation plus égalitaire. Tant que nous n’aurons pas atteint ce stade, nous n’aurons pas une société équilibrée.
Êtes-vous religieuse et en quoi votre opinion sur les religions soutient-elle ou entrave-t-elle votre carrière en Israël et en particulier à Jérusalem ?
J’ai une foi très solide et je suis convaincue que Jérusalem possède un caractère spirituel particulier mais je ne veux pas que seules des personnes religieuses vivent ici. Nous avons besoin de tout le monde. La diversité est l’ADN de Jérusalem et je ne veux pas que cela change. Garder une ville plurielle fait partie de la personnalité de Jérusalem, d’autant plus que cette ville est la capitale d’Israël et du peuple juif. Le roi David l’a construite il y a 2500 ans et a choisi Jérusalem pour être la capitale de son royaume car Jérusalem n’appartient pas à une tribu en particulier. Jérusalem était un morceau de terre « neutre » où toutes les tribus pouvaient se rassembler. De même, à l’heure actuelle, Jérusalem est une ville diversifiée et prospère pleine de gens d’horizons différents et de façons de pratiquer leur foi.
Quelles sont les principales difficultés des femmes en Israël ? Et quelle est votre stratégie pour l’égalité entre les genres ?
Il y a certainement de gros défis pour les femmes en Israël, en particulier pour les femmes issues des communautés ultra-orthodoxes juives telles que Haredi ou les communautés arabes très pratiquantes. Les filles s’y marient tôt et ont des enfants peu de temps après. Il y a une énorme pression sur elles pour fonder une famille à un âge relativement jeune. Alors la plupart n’ont ni le temps, ni les ressources pour étudier et se retrouvent plus tard à exercer des emplois précaires.
Dans le monde arabe, ce problème est encore plus grave en raison de la barrière de la langue. Alors que les hommes arabes apprennent l’hébreu dans la rue, les femmes qui sont restées à la maison pendant des années ne le peuvent pas.
Je pense que les deux principaux moyens de surmonter l’inégalité des genres en Israël sont l’éducation et l’autonomisation. Il est essentiel que nous continuions à développer des programmes qui éduquent les femmes de ces milieux afin qu’elles puissent devenir des candidates compétitives pour des emplois de qualité qui offrent un revenu réel. Nous devons également fournir des plateformes comme le Gulf Women’s Forum pour inspirer ces femmes et leur proposer un réseau d’entraide.
Que dites-vous pour surmonter les déceptions ou les échecs qui pourraient inspirer d’autres femmes ?
Je me dis à chaque fois que tout cela fait partie du plan de Dieu. Si quelque chose ne fonctionne pas, il y a une raison. Je suis une femme de foi, alors je travaille dur, je fais de mon mieux et je prie pour que Dieu me guide là où je suis censée aller.
Y a-t-il un message que vous aimeriez faire passer aux femmes et aux hommes qui liront cette interview ?
Saisissez chaque opportunité qui se présente à vous et ne pensez jamais que vous n’êtes pas capable de faire quelque chose en raison de votre sexe, de vos origines, ou de vos croyances. Et si vous voulez quelque chose dehors mais que la porte est fermée, sautez par la fenêtre.
Merci beaucoup Fleur Hassan-Nahum d’avoir tant partagé avec nous.
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